Dikran DADERIAN

Enseigner c’est apprendre, aux autres et à soi-même. J’ai beaucoup appris de Dikran Daderian, et tout d’abord à me défier de l’aspect technique d’un tableau vraiment sensible. Le firmament de Dadérian n’est pas de ceux qui brutalisent. Ses multiples éléments frappent au premier abord tout comme les étoiles d’un beau ciel nocturne, aperçues du terrain d’une foire en plein air, mais ni plus, ni moins. S’éloigner de la foule, déceler ses formes qui se livrent peu à peu, se frayer un chemin à travers celles-ci n’est pas facile. Mais au bout de cette nuit se trouve un jour souriant prêt à accueillir ceux qui l’ont mérité. J’aime me compter parmi ces derniers.

Dikran Daderian

Ses toiles élaborées avec lenteur ne se découvrent que petit à petit. Depuis des années, j’ai le privilège d’assister à la lent éclosion de leurs formes souvent enchevêtrées, toujours modestes comme leur auteur. Je crois qu’elles exigent une certaine modestie à celui qui veut le saisir, mais aussi une certaine bonhommie et une grande complicité. Ce n’est pas leur moindre mérite de créer un univers qui, malgré certaines apparences surtout d’ordre technique, reste un domaine qui n’appartient qu’à Dikran Dadérian. / Henri Goetz

Dikran Daderian par Rajak Ohanian

Photographie de Rajak Ohanian

Depuis de nombreuses années, le peintre Dikran Daderian poursuit une oeuvre où l’on retrouve son goût du brocart, des tissus richement ornés qui seraient le point de départ d’une abstraction fondée sur les rapports subtils qui existent entre des rapports de tons comme on l’obtient dans l’art du tissage. Certaines des réalisations de ce peintre font penser aux compositions historiées, avec ces bandes qui se succèdent, dont les variations animent la surface. Elles laissent l’imaginaire libre d’occuper ces tracés de couleurs, d’y lire les signes des histoires mythiques, de voir des peuples en marche, de penser aux motifs de l’art funéraire de l’Egypte ancienne.

La diversité de ces compositions sont autant de rythmes et de contrastes, chacune de ces compositions vise une recherche inlassable d’hypothèses abstraites, avec les risques qu’elles entraînent. On relève aussi une quête de la couleur pure qui aurait évacué le dessin pour laisser filer le pinceau sur la toile. Comment inventer un ordre qui se substitue au dessin et permette de présenter une recomposition de rapports de tonalités ? Des rouges en face de bruns, des bleus contre du gris.

Comment confronter des gammes de tons ? Avançant par touches pour constituer des entités chromatiques qui constituent autant de méandres de la sensation. On peut rêver de lits de rivière asséchés, de forêts d’épineux, sentir cette recherche de la saveur, partager la joie lumineuse du peintre face au rayonnement de la couleur.

Oeuvre inclassable, soit dit en passant, et tant mieux car l’abstraction aujourd’hui a peut-être trop tendance à se mesurer à l’aulne des écoles new-yorkaises. Pourquoi ne pas voir cependant, dans les hachures de la peinture de Daderian quelque chose de la manière de peindre d’une Joan Mitchel, qui s’imprégna énormément de l’art français, de son échelle et de son climat. D’une toute autre manière, il y a également chez lui ce travail sur la matière même de la couleur, son étalement, ses étagements, les coups de brosse, qui situe Daderian dans cette famille de peintres, préférant au-delà de la forme, traduire une présence de la matière./ Bertrand Lorquin

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Né à Beyrouth (Liban) en 1929, Dikran Daderian poursuit ses études à Chypre à l’Institut Melkonian, puis à Paris à l’École des Beaux-Arts, l’Académie Goetz et l’ Académie de la Grande Chaumière. À partir de 1957 il réalise de nombreuses expositions particulières et participe à des expositions collectives ainsi qu’au Salon Comparaisons, au Salon des Réalités Nouvelles et au Salon de Mai.