Timbres
Répétitif Un rien qui s’entend, au déclin d’un trait unaire, décline l’idée sécante à venir, redit le son même autrement, écarté de soi, revient en parallèle, seul à seul détenu à l’extrême d’un commencement. ( …) l’emprise d’un stress en raccord d’une suite forcenée, transie à l’instant sous l’angle d’un passage obligé. (…) (p. 31) A l’écoute de « Phrygian Gates » de John Adams (récital Jay Gottlieb, La Roque-d’Anthéron, 8 août 1999) Phrygian Gates par Jay Gottlieb MP3 Et Maintenant Quel de nous deux porte l’autre, corps ou tête ? L’avancée mobilise tant d’appuis impossibles que c’est miracle si d’une levée à l’autre je réussis à agencer le pas, son rouage. Empesée, vie soufflée du journal de l’hiver. Mon coeur, d’un cri sans âge est surmené. Cet été, je considère mes années dans le sillage d’une embarcation échafaudée de travaux et d’enfants. La trace a laissé le chemin pour d’autres voies plus neuves, rebâties sur le tertre d’une vie bornée trop tôt, mais les fruits nés du père arriment désormais au tronc ce souvenir d’un attelage heureux. (p. 45 ) Dialogue avec l’artisan-peintre Alors tu es mort ? dit l’enfant. Oui, dit l’homme, je repasse au pinceau mon vécu qui outre ton visage chemine droit et simple au dos de ton cahier, côté tain, sur la face antérieure des écritures saintes, je compte à rebours en peignant blanc sur blanc. (p. 61-62) « Timbres » contient deux poèmes qui annoncent » Désarrois », récit autobiographique publié en 2004, sous le pseudonyme de Donia Fervante, dans la collection Cahiers d’auteurs. Antonia Soulez a tout de suite assumé ce livre, non seulement en y faisant référence mais en le commentant comme un ouvrage personnel. Voici quelques vers de ces poèmes : Sophisme de la révélation Il faut tout dire, ce fut un jour J. Mais tout n’est pas dicible. Axiome grand A. La vérité, je connais, la vérité grand V. Ma profession de Foi, par dieu ou sans, tu la connais, à ne pas dire.( …) Le principal, son être devenu temps d’un impossible aveu (… ) ( p. 57) Ballon J’ai rencontré en rêve mon père une fois mort sur le front,dit-on. Crac en foot, il m’a laissée sans nom. Puis il mourut vraiment une deuxième fois, et Narbonne perdit en lui le peintre en bâtiment. Depuis, d’une façade à l’autre, se referment les paupières d’une vie signalée dont l’habitant témoigne trop tard. L’air blanchi que je respire, c’est l’esprit, l’esprit de louis exhalé partout en cette ville.(… )(p. 63)Désarrois
» On ne supprime pas le père ». Il renaît comme une pousse rebelle à la base d’un tronc décapité. (…) Le savoir du père est plus profondément enraciné dans le corps de l’enfant que la conscience de l’avoir manqué, seulement, c’est un savoir non su de l’enfant lui-même. Il ne peut voir tout à fait le jour, le jour des autres.
(p. 41)
Il est trop tôt pour mesurer les conséquences que ma recherche aura sur ma vie. Mais je verrais sûrement d’un oeil tout différent les êtres et les choses. C’est comme si j’étais sortie un temps d’un milieu de vie dans lequel j’étais immergée, pour le considérer à distance. je me suis écartée au maximum de mon univers familier pour le regarder d’un autre oeil, celui d’une altérité inaprochable, mais en moi.. J’ai maintenant à réapprendre à poser le pied sur le sol ferme de ce côté-ci du monde vers lequel ma mission m’a renvoyée. C’est pourquoi il m’importe de retrouver bientôt Romain pour qu’il aime la Louisa d’après.
(p. 163)
Antonia Soulez /table ronde Philoctetes France sur le Mensonge/ 2 mai 2010/